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Publié le 22 août 2022

LUTTE CONTRE LE HARCELEMENT EN ENTREPRISE : Les enquêtes internes au cœur des préoccupations de la Cour de Cassation


Cass. Soc. 1er juin 2022 n°20-22.058

Cass. Soc. 29 juin 2022 n°21-11.437

Cass. Soc. 29 juin 2022 n°20-22.220

Selon trois arrêts rendus au mois de juin 2022, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation apporte ses précisions quant aux modalités de mise en œuvre d’une enquête interne par suite d’une dénonciation de faits de harcèlement moral ou de harcèlement sexuel, à défaut de dispositions législatives ou réglementaires encadrant cette pratique.

Dans les arrêts d’espèce, les salariés, auteurs de faits de harcèlement moral ou de faits de harcèlement sexuel, ont été licenciés pour faute grave sur la base d’un rapport d’enquête réalisée en interne.  

Les salariés ont contesté leur licenciement estimant que le rapport d’enquête ne pouvait servir de fondement à leur licenciement, selon trois moyens :

  • L’enquête est non-contradictoire, dans la mesure où ils n’ont pas été entendus,
  • L’enquête n’a pas été réalisée de manière conjointe avec les représentants du personnel,
  • L’enquête n’a concerné que l’audition de quelques salariés.

La Chambre Sociale de la Cour de Cassation juge que :

  • En matière prud’homale la preuve est libre, de sorte que l’employeur peut produire un rapport d’enquête réalisée en interne afin de justifier la mesure disciplinaire prise à l’encontre du salarié auteur de faits de harcèlement moral ou sexuel,
  • L’enquête interne n’a pas à être contradictoire, de sorte que le rapport d’enquête peut être établi sans que le salarié mis en cause en qualité d’auteur des faits dénoncés n’ait été entendu.

Il est précisé à cet égard que le salarié mis en cause dispose en tout état de cause de la faculté de s’exprimer sur les griefs retenus à son encontre lors de l’entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant aboutir à un licenciement pour faute grave.

  • Il n’est pas nécessaire que l’ensemble des salariés de l’entreprise soient entendus. L’audition d’un nombre limité de salariés est admise.

Les précisions apportées par la Cour de Cassation interviennent dans un objectif plus global de favoriser la lutte contre le harcèlement moral et/ou le harcèlement sexuel en entreprise et invitent les entreprises à réfléchir à la mise en place ou à la mise à jour d’un processus d’enquête interne.

Les startups, souvent mises en cause au titre de situations de harcèlement moral en raison d'un manque de structure dans la gestion des relations de travail, ont tout particulièrement intérêts à s'emparer de cette question (Hashtag Balancetastartup).

Ainsi, il est recommandé aux employeurs de disposer d’un processus d’enquête interne clairement établi en amont afin de pouvoir être mis en place de manière réactive en cas de dénonciation de faits de harcèlement moral ou de faits de harcèlement sexuel, afin de respecter l’obligation dont les employeurs sont débiteurs à l’égard de leurs salariés de veiller à leur sécurité physique et psychologique (Article L.4121-1 du Code du Travail) et à l’obligation de prévenir, faire cesser et sanctionner les faits de harcèlements (L.1153-5 et L.1152-4 du Code du Travail).

La mise en place d’un processus d’enquête interne permet la mise en œuvre du pouvoir disciplinaire de l’employeur et de sécuriser un éventuel licenciement pour faute grave.

Si dans les arrêts d’espèce la Cour de Cassation fait preuve de tolérance face aux modalités de réalisation d’une enquête interne, il est recommandé aux employeurs de mettre en place un processus d’enquête interne menée de manière conjointe avec les membres du Comité Social et Economique et d’entendre les personnes suivantes :

  • La victime présumée,
  • La personne à l’origine du signalement (si elle est différente de la victime présumée),
  • La personne mise en cause,
  • Les témoins,
  • Les responsables hiérarchiques,
  • Toutes personnes demandant à être entendue ou dont l’audition est sollicitée par la victime présumée.

Ces recommandations ont pour objet de garantir une plus grande force probante au rapport d’enquête qui sera établi au terme des auditions, en raison de l’objectivité et de l’impartialité du processus mis en place.