Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 8 juin 2022 n°20 – 22.500
Depuis la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, les juridictions du fond sont interrogées sur le point de savoir si l’employeur est tenu de consulter les représentants du personnel avant d’initier une procédure de licenciement par suite d’un avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail portant l’une des mentions suivantes :
La question est née de la confrontation des dispositions des articles L.1226-2 et L.1226-10 relatifs à l’obligation de recherche de reclassement par suite d’un avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail et à l’obligation de consulter les membres de la délégation du personnel du Comité Social et Economique, avec les dispositions des articles L.1226-2-1 et L.1226-12 du Code du Travail, relatifs à la dispense d’obligation de recherche de reclassement lorsque le médecin du travail fait état dans son avis d’une des deux mentions susvisées selon lesquelles aucun reclassement n’est envisageable.
Tenant l’existence d’une incertitude, certains employeurs ont préféré la prudence et consultaient les représentants du personnel même si finalement cette consultation était dénuée de sens tenant l’impossibilité de procéder au reclassement du salarié.
D’autres ont préféré une position légaliste, analysant les dispositions des articles L.1226-2-1 et L.1226-12 du Code du Travail, afin d’en déduire que la consultation des représentants du personnel n’était pas obligatoire dès lors qu’aucune recherche de reclassement ne pouvait être effectuée.
Une prise de position de la Cour de Cassation était par conséquent très attendue, c’est désormais chose faite par cet arrêt du 8 juin 2022 !
Ainsi, selon cet arrêt, en présence d’un avis d’inaptitude comportant l’une des deux mentions susvisées, l’employeur qui n’est pas tenu de rechercher un reclassement n’a pas l’obligation de consulter les représentants du personnel.
Dans les faits d’espèce, les représentants du personnel étaient les délégués du personnel, mais cette décision est tout à fait transposable à la délégation du personnel du Comité Social et Economique.
En l’occurrence, le salarié soutenait que son employeur aurait manqué à ses obligations en ne consultant pas les représentants du personnel avant de procéder à son licenciement pour impossibilité de reclassement faisant suite à une inaptitude constatée par le médecin du travail.
L’employeur soutenait quant à lui qu’en raison de la mention figurant à l’avis d’inaptitude le dispensant de procéder à une recherche de reclassement, la consultation des représentants du personnel n’était pas obligatoire car elle était dépourvue d’objet.
La Cour d’Appel de CHAMBERY a débouté l’employeur, considérant que même en présence d’une dispense d’obligation de recherche de reclassement la consultation des représentants du personnel demeure obligatoire.
Par analogie, l’arrêt de la Cour d’Appel de CHAMBERY renvoie à un arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation selon lequel l’employeur tenu d’une obligation de recherche de reclassement doit consulter les représentants du personnel même s’il ne dispose d’aucune proposition de reclassement à soumettre à leur approbation.
La Cour de Cassation casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de CHAMBERY, rappelant qu’en l’espèce l’employeur n’est pas tenu d’une obligation de recherche de reclassement de sorte que la consultation des représentants du personnel serait sans objet.
A l’inverse, si l’employeur est tenu d’une obligation de recherche de reclassement mais ne dispose d’aucune proposition de reclassement à soumettre à l’approbation des représentants du personnel, la consultation demeure importante afin d’apprécier si les recherches de reclassement ont été menées par l’employeur avec sérieux et loyauté.
La position de la Cour de Cassation est ainsi emprise de bon sens et permet de sécuriser la procédure de licenciement pour impossibilité de reclassement faisant suite à une inaptitude.
En effet, nous avions obtenu plusieurs décisions en ce sens devant le Conseil de Prud’hommes de MONTPELLIER, néanmoins les réponses divergeaient selon les juridictions du fond.